La Chine redéfinit le capitalisme domestique

01 septembre 2021

Chine | Pékin | métropole | Asie | bâtiment | tour

Au cours des dernières semaines, la pression réglementaire et politique s'est intensifiée sur plusieurs secteurs en Chine, ce qui a contribué à la correction du marché chinois initiée en février. Cela a pénalisé les actions chinoises, qui restent une conviction de long terme, mais fragilisée par de multiples défis à court terme.

 
Principaux développements cet été
 

En juillet, les autorités chinoises ont pris la décision de réglementer davantage le secteur de l'enseignement privé national, ciblant spécifiquement les entreprises d'enseignement scolaire privé (principalement des enseignements complémentaires ou cours du soir) qui devront désormais s'enregistrer en tant qu'entreprises à but non lucratif et ne pourront pas lever des capitaux auprès du public. Désormais, ces entreprises ne seront pas en mesure d’offrir des formations, basées sur le programme scolaire, le week-end et jours fériés ; les directives émises par le CPCCC (Comité Central du Parti Communiste Chinois) et le Conseil d'État empêchent également les sociétés cotées d'investir dans de telles sociétés.
Ces décisions concrétisent une pression réglementaire et politique qui s'est accentuée sur un secteur valant avant correction environ 100 milliards de dollars, secteur que le président Xi Jinping visait déjà explicitement dans un discours prononcé en mai dernier. Sur le plan des marchés, les acteurs côtés du secteur de l’éducation avaient déjà perdu 75% de leur valeur boursière depuis le pic de février ; suite à ces annonces, elles ont à nouveau perdu, plus de 50% de leur valeur boursière fin juillet, portant la baisse combinée à environ 90% sur TAL Education et New Oriental Education.
Certaines de ces sociétés d’enseignement réfléchissent actuellement à des alternatives stratégiques et commencent à prendre des mesures, telles que le basculement vers des activités non liées au programme scolaire ou simplement la réduction de coûts, comme annoncé par Yuanfudao, une société soutenue par Tencent, qui prévoit de réduire considérablement les coûts de publicité et de marketing. Malgré ces mesures à court terme, la restructuration qu'implique cette nouvelle réglementation semble immense et il est complexe d'évaluer si un prix peut être mis sur ces entreprises, considérées par de nombreux investisseurs comme non investissables.
Début août, le président Xi Jinping a également décidé de cibler l'industrie du jeu en ligne qualifiée d'«opium spirituel», compte tenu de l'addiction croissante des mineurs au jeu, ce qui a encore affaibli la position des valeurs technologiques, qui se négociaient déjà avec une décote par rapport à leurs pairs américains. Les décisions consistant à limiter les heures passées sur les plateformes de jeux par les jeunes - réduites dernièrement à 3 heures par semaine - ne détruisent pas le modèle économique des géants chinois de la technologie mais conduisent à une révision de leurs revenus et perspectives de croissance.
Plus récemment, fin août, les autorités chinoises ont allongé la liste des industries concernées par le risque réglementaire et politique. Une volonté de réduire les inégalités sociales - qui s'étaient accélérées au cours de la dernière décennie - et de pérenniser la «prospérité commune», a conduit à l'annonce d'une possible augmentation de la fiscalité des ménages aisés. Les implications de ce discours sont allées au-delà des actions chinoises et ont affecté le secteur du luxe, qui a perdu plus de 8% suite à cette déclaration. Il est possible que cette volonté de réduire les inégalités et de répondre aux besoins sociaux étende la pression sur des secteurs supplémentaires tels que celui de la santé.

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Interprétation par le marché des décisions récentes
 

Les investisseurs voient cette tendance comme une forme de poursuite et d'intensification de la répression réglementaire initiée fin 2020 sur le secteur technologique, qui a subi de nombreuses attaques (annulations d'introductions en bourse, pression anti-trust plus forte, intention et volonté de contrôler l'utilisation des données). Cependant, la logique des décisions récentes est relativement nouvelle et liée à l'objectif social défini lors du 100ème anniversaire du Parti Communiste : le gouvernement chinois veut limiter la pression sociale sur les familles et les enfants, limiter les dépenses d’éducation des ménages, qui constituerait un des facteurs expliquant la baisse du taux de natalité. L'intention est aussi de reprendre le contrôle et de réaffirmer le caractère public de l'éducation, qui, selon eux, a été détournée d'un bien commun vers une industrie capitaliste. Ces décisions semblent s'inscrire dans une version plus contrôlée du capitalisme chinois, avec une multiplication des règles sur la sécurité et l’utilisation des données, les règles de concurrence et de concentration, mais également sur le niveau des salaires des entreprises de livraison de nourriture ou sur le prix des logements. Si l'intention du gouvernement chinois n'est pas seulement de reprendre le contrôle, elle reflète également une volonté de façonner un équilibre différent entre les objectifs sociaux et les intérêts privés.
Cela s'inscrit également dans un contexte plus large marqué par la pression croissante des États-Unis contre les entreprises technologiques chinoises. En effet, la Security and Exchange Commission (SEC) a indiqué que les entreprises basées en Chine devront désormais faire preuve de plus de transparence sur leur structure de détention et leurs relations avec le gouvernement chinois pour obtenir une cotation sur les marchés américains. Les obligations de divulgation font suite à une décision récente des autorités chinoises concernant les cotations des entreprises chinoises à l'étranger et notamment les règles concernant l'utilisation des données entre les mains de ces entreprises.

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Après un été difficile, les investisseurs tentent désormais de méditer sur le changement de réglementation sur ces secteurs ainsi que sur des données macro plus faibles (légère déception sur les PMI de juillet) avec les valorisations attractives désormais offertes par les actions chinoises après une baisse importante. En effet, à fin août le MSCI China affichait une baisse de -21% depuis le début de l’année et -32% par rapport au pic de février. Les dernières semaines ont amené les actions chinoises dans ce qui est généralement décrit comme un territoire de survente (indice RSI inférieur à 30) d'un point de vue technique, et offrent un point d'entrée intéressant car l'écart de valorisation avec les actions américaines se creuse chaque jour. En effet, le S&P 500 se négocie à 27x les bénéfices des 12 derniers mois contre 17x pour l'indice des actions domestiques chinoises (CSI 300). Il est important de rappeler ici que la plupart des principaux leaders chinois de l'Internet ont publié des résultats très solides au deuxième trimestre, supérieurs aux attentes du marché.

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Impact sur notre scénario et convictions à long terme sur les actifs chinois
 

Avant la répression réglementaire et l'affaiblissement des tendances économiques en Chine, notre vision constructive des actions chinoises reposait sur les piliers suivants :

  1. Des perspectives solides et séculaires de croissance des revenus et des bénéfices, alimentées par une croissance plus élevée du PIB et par des tendances structurelles (développement de la classe moyenne, investissements en R&D, hausse du taux de pénétration des services financiers et développement des besoins de santé) ;
  2. Des positions dominantes des entreprises chinoises dans de nombreuses industries innovantes, soutenues par un immense marché intérieur difficile à pénétrer pour les entreprises étrangères et par un effort de R&D plus important ;
  3. Une pondération en hausse des actions chinoises dans les indices internationaux entraînant des flux positifs structurels ;
  4. Une attitude pro-business des autorités démontrant d’un très bon bilan en matière de policy mix au cours des dernières années ;
  5. Un meilleur mix croissance/valorisation des actions chinoises que dans de nombreux marchés développés ;
  6. Une monnaie plus stable que dans d'autres marchés émergents, avec une banque centrale crédible.


Plusieurs de ces arguments sont toujours valides aujourd'hui, en particulier les perspectives de croissance du PIB à long terme, l'inclusion internationale dans les indices MSCI, le track record en matière de pilotage économique et la force de la devise. Ce qui a changé, c'est la nature de l'équilibre entre capitalisme et régulation, avec un rééquilibrage entre les intérêts des grands groupes et le bien-être social, ainsi que le contrôle de l'État. Dans le même temps, la dynamique des bénéfices de entreprises chinoises a été inférieure à celle des actions américaines et européennes cette année, et cet écart est renforcé par les révisions positives sur les actions développées accompagnant une solide saison de résultats au deuxième trimestre ; cela reste l'un des points faibles des marchés chinois cette année par rapport aux marchés d’actions des pays occidentaux et après deux années très positives. Par ailleurs, ces derniers mois, la dynamique macroéconomique s'est considérablement affaiblie.
Nous ne pensons pas que ce soit la fin du capitalisme en Chine mais nous considérons cet été comme un retournement de la philosophie de marché des autorités chinoises qu'il ne faut pas sous-estimer. Toutes ces décisions favorisent probablement une meilleure allocation des ressources et pourraient soutenir la croissance potentielle de l'économie chinoise à plus long terme. A court terme, elle conduit logiquement à une réévaluation de la valorisation de nombreuses entreprises, même si la tendance récente des marchés s'apparente davantage à une capitulation globale des investisseurs étrangers réallouant leurs actifs vers les actions américaines. Ces décisions ne mettent pas en péril le rationnel d’investissement à long terme, mais affectent la visibilité et les perspectives de croissance à court terme, ce qui a affecté les flux internationaux. Concernant la cotation off-shore des sociétés chinoises, même si l'objectif à long terme est probablement de faire coter les sociétés chinoises sur le marché domestique, nous ne pensons pas que les récents problèmes américano-chinois sur ce sujet signifient la fin des cotations off-shore : la Chine continuera à autoriser (mais contrôler) les cotations étrangères et devrait trouver un accord avec les États-Unis sur les attentes en matière de transparence.
Par conséquent, le niveau d'incertitude constitue encore un obstacle au retour des flux internationaux et fait de la Chine une conviction difficile à court terme, car ce cycle de resserrement réglementaire n'est peut-être pas terminé. Pour que les flux reviennent, il faudrait identifier soit un catalyseur fort venant soit de la sphère macroéconomique, de la dynamique des bénéfices ou d'une posture plus souple des pouvoirs publics.

En résumé, la Chine devrait rester une conviction stratégique dans un portefeuille de long terme bénéficiant de relais de croissance séculaires qui ne se sont pas évaporés sous la chaleur estivale. Tactiquement, l'asymétrie devrait être de plus en plus positive pour les investisseurs après le recul important que nous avons connu, mais les fondamentaux macro et micro ainsi que les incertitudes politiques pourraient continuer à peser sur le sentiment des investisseurs. Dans ce contexte, les investisseurs devraient conserver leur exposition existante mais pourraient diversifier leur exposition sectorielle à des secteurs moins vulnérables aux pressions réglementaires et plus alignés sur les priorités gouvernementales (telles que les énergies renouvelables). Les investisseurs pas encore exposés aux actifs chinois pourraient s'exposer progressivement car il deviendra de plus en plus difficile de rester à l'écart de la plus grande économie du monde, encore sous-représentée dans les indices et portefeuilles internationaux.

 

Information importante

01 septembre 2021

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