Résultats du quatrième trimestre 2021 aux Etats Unis

Le bottom up peut-il compenser les incertitudes économiques ?

07 février 2022

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5 messages à retenir

  • La saison des résultats du quatrième trimestre est plus avancée aux États-Unis qu'en Europe.
  • Jusqu'à présent, les chiffres sont encourageants, plus de 75% des entreprises dépassant les estimations.
  • Cependant, les marges bénéficiaires sont inférieures au niveau du T3-21 et les indications données par les managements pour 2022 sont mitigées.
  • La principale préoccupation reste la pérennité des marges bénéficiaires, en raison d’un impact de l'inflation des coûts sur un plus grand nombre de postes et sur un éventail plus large de secteurs. Cette saison conduit à une révision à la baisse des prévisions de résultats pour le premier trimestre 2022.
  • Cette saison de résultats - en l'état - confirme également 2 points :
    • à plus long terme, il ne peut y avoir de déconnexion entre le contexte macroéconomique sur l'inflation et ce que l'on peut voir dans les bénéfices : si l'inflation des prix à la production reste plus élevée que l'indice des prix à la consommation, les marges sont amenées à souffrir à moins que les gains de productivité n'explosent.
    • la saison des résultats confirme notre stratégie de polarisation poussée depuis novembre 2020, axée sur la croissance de la valeur et de la qualité, avec un accent fort sur la rentabilité et les flux de trésorerie en 2022.
 

6 points clés à retenir de cette saison de résultats

1. Un niveau élevé de croissance des revenus et des bénéfices

En ce qui concerne les sociétés du S&P 500 qui ont publié à ce jour (56% des sociétés du S&P au 4 février), la croissance moyenne des revenus en glissement annuel s'élève à 15%, bien au-dessus du taux de croissance moyen sur 5 ans de 6,5%. Nous ne nous attendons pas à ce que cette performance se répète en 2022.
En effet, certains secteurs ont enregistré une croissance exceptionnelle de leurs revenus, comme l'énergie (+88% en glissement annuel). Nous pouvons également citer plusieurs secteurs industriels tels que les métaux et les mines (+51%), la construction (+29%) et la chimie (+27%).
En ce qui concerne les résultats, la croissance moyenne des bénéfices publiée à ce jour pour le T4-21 s'élève à 29% en glissement annuel, soit bien plus que la moyenne de 14% sur 5 ans. Le retour de forts bénéfices dans le secteur de l'énergie (contre des pertes en 2020) ainsi que dans le secteur de l’industrie (+90%) a été spectaculaire même si les bénéfices dans le secteur de l'énergie demeurent inférieurs aux attentes.

2. Un niveau élevé de surprises positives sur les revenus et les bénéfices

Globalement, le ratio de surprises positives reste élevé, et c'est une bonne nouvelle, compte tenu du niveau record de révisions positives déjà enregistré en 2021. Dans l'ensemble, 77% des entreprises américaines qui ont publié leurs résultats dépassent les attentes de chiffre d’affaires, ce qui est supérieur à la moyenne à long terme de 68% (les entreprises américaines ont toujours fait un bon travail de gestion des attentes). L'ampleur des dépassements du BPA s'élève à 8,2%, ce qui demeure légèrement inférieur à la moyenne à long terme de 8,6%.
L'ampleur des bonnes surprises confirme notre préférence pour les valeurs de style « value » d'une part, et les valeurs technologiques d'autre part (voir graphique 1). Ces surprises s'expliquent par les bons chiffres publiés par les banques américaines en début de saison, et plus récemment par Apple, Alphabet, Microsoft, AMD et IBM, ainsi que par les valeurs énergétiques comme Exxon. Toutefois, quelques déceptions sont à souligner dans ces secteurs, comme en témoignent les résultats de Meta Platforms (société mère de Facebook dont les résultats sont ressortis inférieurs aux attentes avec une guidance faible pour le T1-22) et Chevron.
La situation est plus mitigée dans des secteurs tels que la santé (à l’image de Gilead en dessous des attentes et de l’accueil mitigé des résultats de Merck&Co pourtant supérieurs aux attentes en raison d’une guidance prudente) et l'industrie, où la pression sur les marges se fait sentir et affecte les prévisions.
Le secteur de l'énergie ressort en deçà des attentes en termes de bénéfices, mais nettement supérieur aux attentes de revenus, et a été en mesure d'annoncer une croissance des revenus de 88% par rapport au T4-20.
De manière inattendue, le secteur de la consommation de base (qui devrait être affecté par la pression sur les marges et les coûts des intrants) a surpris positivement sur les bénéfices, probablement grâce à une meilleure croissance des revenus (2,3% au-dessus des attentes), ce qui pourrait compenser la baisse des marges.

Graphique 1 : Niveau de surprise sur les résultats – S&P 500, quatrième trimestre 2021 (hors secteur consommation dicrétionnaire)

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Source : Factset, Indosuez Wealth Management

3. La hiérarchie sectorielle est inchangée pour la croissance des bénéfices par rapport à 2020

Si l'on met de côté le niveau des surprises, mais que l'on se concentre uniquement sur la croissance des bénéfices en glissement annuel, les meilleurs secteurs à ce jour restent l'énergie, l'industrie, les matériaux et la technologie. Cela s'explique par la forte croissance des revenus pour les secteurs de l'énergie, des matériaux et de la technologie, mais plus encore par des marges plus élevées que l'année dernière pour l’industrie. Dans ce dernier secteur, il y a également quelques histoires spécifiques sur le secteur aérien qui expliquent ce rebond (compagnies aériennes et Boeing). La croissance des résultats du secteur de la consommation discrétionnaire a été particulièrement boostée par les résultats d’Amazon avec une plus-value exceptionnelle de 12md$.
Les secteurs les plus défavorables jusqu'à présent du point de vue de la croissance des bénéfices sont les utilities et la consommation de base, dont les valorisations sont également négativement corrélées aux taux longs, ce qui exerce une double pression à la baisse sur ces secteurs. Les utilities souffrent à la fois d'une croissance des revenus plus faible que prévu et d'une réduction des marges bénéficiaires.

4. L'évolution des marges bénéficiaires par rapport au T3-21 envoie un message différent

Le constat sur la saison de résultats devient un peu moins positif lorsque nous commençons à examiner l'évolution des marges bénéficiaires depuis le T3-21 et lorsque nous examinons les prévisions des entreprises pour 2022, ce qui pourrait entraîner une inversion du cycle de révision des bénéfices.
La marge bénéficiaire globale des sociétés du S&P qui ont publié des résultats est en baisse (de 12,9% à 12%) : même si ceci ne semble être qu'une différence modeste à première vue, c'est en réalité significatif, et cela soulève des questions pour les trimestres à venir (voir graphique 2).
De ce point de vue, les secteurs de la technologie, de la finance, des matériaux et de l'énergie se sont relativement bien comportés, avec des marges bénéficiaires à des niveaux élevés (technologie et finance) et / ou en progression (technologie et énergie 4 points au-dessus de leur marge moyenne des 5 dernières années).
Au contraire, les utilities ont été durement touchés, avec des marges bénéficiaires en baisse de 6,2 points, tandis que la consommation discrétionnaire et l'industrie ont perdu respectivement 1,8 et 1,6 point de marge.
Cela suggère une rotation au sein du thème « value » des valeurs cycliques vers les secteurs bénéficiant de la reflation (banques, énergie et matériaux).
L'explication de ces marges plus faibles dans un contexte de croissance des revenus généralement saine réside dans la hausse des coûts, que ce soit du côté des charges externes directes (énergie, matières premières, logistique) ou du côté des salaires, même si certains secteurs ont également vu leur chiffre d'affaires être affectée par les perturbations des chaînes d'approvisionnement, notamment le secteur automobile.
Il est probablement trop tôt pour commenter les statistiques sur les indications fournies par les managements sur leurs perspectives 2022 avec un nombre limité de sociétés qui ont livré des éléments sur ce plan, mais globalement la proportion d’indications négatives est supérieure à la moyenne (72% contre 60%) et le message qualitatif passé par les entreprises cycliques demeure une pression croissante ou plus longue que prévu de la hausse des coûts, ce qui pose question pour les perspectives de l'exercice 2022.

Graphique 2 : Evolution de la marge bénéficiaire des entreprises du S&P 500

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Source : Factset, Indosuez Wealth Management

5. Peut-on s'attendre à un rebond des marges bénéficiaires en 2022 comme le consensus l'attend ?

Aujourd'hui, le consensus s'attend à ce que les marges bénéficiaires rebondissent régulièrement vers 13% au troisième trimestre 2022, c'est-à-dire le récent pic de rentabilité observé au T2 21. Cette hypothèse est-elle raisonnable et sur quoi repose-t-elle, compte tenu des indications mitigées provenant des entreprises sur 2022?
Si nous examinons les attentes concernant les bénéfices du T1-22, l'énergie est le secteur le plus remarquable avec des révisions positives depuis le début de l'année. La plupart des autres secteurs sont stables et les révisions sont négatives dans le secteur industriel.
Le point négatif, c’est que la croissance des bénéfices anticipée pour le 1er trimestre 2022 a été révisée à la baisse de 0,7 point depuis le début de la saison de résultats, largement en raison du secteur industriel. Il est assez typique de constater des révisions négatives en début d’année (surtout si la proportion d’indications négatives est structurellement supérieure à 50%), mais c’est la première révision négative depuis le 2e trimestre 2020.
Plusieurs secteurs bénéficient de révisions positives (énergie et technologie). A l’inverse, les résultats des entreprises industrielles sont révisés à la baisse de 10% ; les utilities, la consommation de base et les matériaux voient aussi leurs profits être révisés à la baisse.
Sur l'ensemble de l'année, le secteur de la consommation discrétionnaire devrait être en tête du point de vue de la croissance du chiffre d'affaires (14%), tandis que du côté des bénéfices, les secteurs de l'industrie, de l'énergie, de la technologie et de la santé font l'objet de révisions positives depuis le début de l'année.
Si les attentes du T1-22 sont proches de celles du T4-22, la croissance trimestrielle attendue au T2 et au T3 est loin d'être une haie facile à franchir; le consensus des BPA du T2 pour le S&P 500 est supérieur de 6,5% à celui du T1-22, et celui du T3-22 de 5% à celui du T2-22 ; soit une croissance annualisée de 23,8% entre le T1 et le T3. Les attentes pour le T4-22 sont toutefois en ligne avec le T3-22.
Par conséquent, il y a probablement des risques sur cette trajectoire de croissance des bénéfices dans les secteurs cycliques, si la croissance déçoit ou si les coûts de l'énergie restent élevés et que les salaires continuent d'augmenter. Il existe aussi peut être une limite dans la capacité à remontrer les prix vis-à-vis des consommateurs finaux en termes de pouvoir d’achat.
La bonne surprise pourrait venir soit des valeurs financières (les prévisions de croissance des bénéfices sont négatives pour 2022), soit de la technologie (une croissance des bénéfices de 10% pour une croissance des revenus de 10% implique une hypothèse très prudente en termes de levier opérationnel). Elle pourrait également venir de la demande extérieure et notamment si le dollar s'affaiblit au second semestre, ce qui pourrait être positif pour les multinationales ayant une forte contribution des revenus dans d'autres devises.

6. La réaction de marché aux bonnes vs. mauvaises nouvelles est plus asymétrique que d’habitude

En moyenne, le cours de bourse des sociétés qui publient au-dessus des attentes progressent de 0,3% (contre 0,8% historiquement) tandis que celles qui déçoivent corrigent de 3,3% (contre 2,3% historiquement).

 

Conclusion

A ce stade, le début de la saison des résultats confirme plusieurs messages d'investissement importants soulignés dans nos récentes publications et événements clients (CIO Brief du 31 janvier) :

  • Cette saison des résultats reste un facteur de soutien au rebond du marché ces derniers jours mais les investisseurs continueront de surveiller attentivement la tendance des révisions qui se dégrade.
  • Nous maintenons une préférence pour les valeurs Value et liées à la thématique reflation ainsi que sur les entreprises technologiques avec un haut niveau de profitabilité.
  • Nous pensons que la rotation au sein du style Value (des valeurs cycliques à la thématique reflation) et au sein de la technologie (de l'hyper-croissance à la croissance rentable) devrait se poursuivre.
  • Nous observons des signes de faiblesse au niveau de la rentabilité dans plusieurs secteurs, comme le montrent les prévisions des entreprises, et nous pensons que le thème clé de 2022 sera la durabilité des marges bénéficiaires et la génération de flux de trésorerie.

 

Information importante

07 février 2022

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